Résurrection du chlordécone aux Antilles françaises avec l’usage du glyphosate

Une étude associant l’université Savoie Mont Blanc (USMB), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) montre que le chlordécone réapparaît massivement aux Antilles françaises depuis la fin des année 1990.

Le chlordécone est un insecticide qui a été largement répandu dans les champs de bananes de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon, insecte ravageur majeur de cultures de bananes. Cet insecticide toxique était, depuis, interdit pour raison sanitaire car tenu pour responsable, entre autres, du très grand nombre de cancers de la prostate dans les îles de la Guadeloupe et de la Martinique.

Près de trente ans après son interdiction aux Antilles, cet insecticide est retrouvé en grande quantité dans l’environnement et engendre une pollution diffuse depuis les sols. En cause, le glyphosate, herbicide utilisé dans le monde entier, qui, en détruisant les racines des végétaux, favorise l’érosion des sols et la libération du chlordécone qu’ils retiennent depuis la fin des années 1990.

Publiée le 28 janvier 2021 dans la revue scientifique Environmental Science & Technology, cette étude illustre l’interaction complexe entre les caractéristiques et le comportement des pesticides, les pratiques agricoles et l’érosion des zones contaminées.

Dirigée par le géologue Pierre Sabatier, enseignant chercheur au laboratoire Environnement, dynamique et territoires de la montagne (EDYTEM, USMB/CNRS), elle est le fruit d’un travail interdisciplinaire impliquant des chimistes, des agronomes et des géologues en collaboration avec des institutions agricoles et des producteurs agricoles antillais.

Les scientifiques ont mené leur étude sur deux sites : dans les bassins de la rivière Pérou en Guadeloupe et de la rivière du Galion, en Martinique. Ces zones sont, en partie, couvertes de bananeraies ou de champs de cannes à sucre. Ils ont analysé des carottes de sédiments marins prélevées proches de l’embouchure des cours d’eau. Grâce à cette méthode basée sur le concept de rétro-observation, ils ont pu suivre le transfert, le devenir et les conséquences à long terme du chlordécone sur l’environnement.

Le glyphosate, un herbicide utilisé à partir de la fin des années 1990 a induit une augmentation de l’érosion du sol qui a conduit à la libération du chlordécone stockés dans les sols des champs pollués. Le chlordécone réapparait ainsi en grande quantité dans les sédiments fins des fleuves côtiers des Antilles françaises depuis plus de 20 ans induisant une contamination généralisée de l’environnement.


Extrait de la publication scientifique dans la revue scientifique Environmental Science & Technology / ACS Publications.

Référence

Evidence of Chlordecone Resurrection by Glyphosate in French West Indies, Pierre Sabatier, Charles Mottes, Nathalie Cottin, Olivier Evrard, Irina Comte, Christine Piot, Bastien Gay, Fabien Arnaud, Irène Lefevre, Anne-Lise Develle, Landry Deffontaines, Joanne Plet, Magalie Lesueur-Jannoyer, Jérôme Poulenard, Environmental Science and Technology, 28 janvier 2021. DOI : 10.1021/acs.est.0c05207

Contact scientifique local

Pierre Sabatier, chercheur au laboratoire EDYTEM (USMB/CNRS)

► Cet article a été publié par l’USMB.